
La présidence de Donald Trump a été marquée par la posture résolument transgressive et populiste du chef d’État et a trouvé dans les réseaux sociaux le moyen de propager une parole enflammée et engageante qui a connu son apogée dans les événements survenus le 6 janvier 2021.
Dans la journée du 6 janvier dernier, une horde de partisans de Donald Trump envahit le Capitole, siège du Congrès des États-Unis, pour empêcher la certification de l’élection de Joe Biden et de Kamala Harris. Nombre d’observateurs y voient la conséquence du discours véhément et malhonnête de Donald Trump prononcé quelque temps auparavant, ayant encouragé ses partisans à marcher sur le Capitole pour contester les résultats de l’élection présidentielle. Ce type de discours fait intégralement partie de la communication politique de Donald Trump qui, tout au long de son parcours politique, a cultivé une rhétorique virulente teintée de mensonges, de contre-vérités, de vulgarité et d’hostilité à l’égard des médias, de ses adversaires politiques et de l’ordre établi et a trouvé dans les réseaux sociaux le terrain fertile à la diffusion de ses attaques en profitant des divisions internes au pays.

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Les réseaux sociaux comme terrain d’expression
Presque systématiquement, pour lancer ses attaques, Donald Trump utilise un canal privilégié : le réseau social de microblogging Twitter. La plateforme, qui favorise la « réaction » à chaud et permanente à l’actualité et les joutes verbales entre politiciens et journalistes en 280 caractères, est propice à un enflammememt des propos et la propagation de la violence. Donald Trump en a fait son outil de communication préféré pour contourner la parole des médias mainstream.

Avec Twitter, Donald Trump critique avec virulence ses adversaires politiques (Barack Obama, Hillary Clinton et Joe Biden en tête) et parfois la politique d’autres chefs d’État. Il annonce des faits qui contredisent celles de son administration, loue ses propres exploits mais surtout, il dévoile sa propre version des faits au travers de fake-news et faits alternatifs. C’est ainsi qu’après sa défaite aux élections présidentielles en 2020, il n’a eu de cesse de dénoncer les prétendues fraudes électorales commises par Joe Biden et le camp démocrate.
Son usage abondant de Twitter renforce sa crédibilité en tant que personnalité transgressive et antisystème, à tel point qu’il est régulièrement accusé d’inciter à la violence et de propager de fausses nouvelles sur les réseaux sociaux. Déjà, en juin 2020, le président était accusé par l’application Snapchat de favoriser la «violence raciale» lors de l’épisode de la mort de George Floyd. Le souhait de modérer le compte Twitter de Donald Trump avait ainsi déjà été émis en 2019, mais son compte est resté ouvert pour sa «valeur informative».

Toutefois, le 8 janvier, deux jours après les émeutes au Capitole, Twitter décide de supprimer son compte à 88 millions d’abonnés pour supprimer tout risque d’incitation à la violence. Facebook, YouTube, Snapchat et Twitch ont dans la foulée décidé de restreindre la parole du président en fermant temporairement son compte sur ces différentes plateformes. Car si ses tweets étaient d’une virulence hors normes, ils n’avaient encore jamais eu les mêmes conséquences que son discours du 6 janvier. Donald Trump a en effet incité à la violence, sans réellement appeler à la violence. Le journaliste William Reymond impute ce phénomène au «terrorisme stochastique» théorisé par Gordon Woo (expert en gestion des risques et enseignant à la University College de Londres) pour désigner ce procédé visant à propager une idéologie par le biais des médias et inciter aux actes de violence et de terrorisme.
En ce sens, ce discours et les tweets diffusés autour de cette idée de fraude électorale contre laquelle il faut se battre, marquent l’apogée de la présidence Trump.

L’apogée de quatre ans de populisme
Dans la société américaine divisée, le «peuple» est généralement opposé aux «élites», aux puissants qui dirigent la vie économique, politique et médiatique du pays. C’est sur ce terrain là que Donald Trump a choisi de mener sa campagne et son mandat présidentiel, en adoptant une approche populiste. Le populisme est un type de discours politique qui prend le parti des classes populaires et fournit une critique du système en place. Pour le spécialiste de la présidence américaine Jérôme Viala-Gaudefroy, Donald Trump, par le mécanisme de ses discours populistes, a conduit une frange de ses partisans à la révolte le 6 janvier dernier.
Les cibles des discours de Donald Trump sont précisément ces classes populaires, le «peuple oublié» disait-il dans son discours d’investiture en 2017. Mais Donald Trump ne se contente pas de se faire le porte-parole des opprimés, il les place également en victime, systématiquement défavorisées par le système politique et oubliées par les médias. Ces derniers sont d’ailleurs considérés comme l’ennemi du peuple par le président Trump car ils propagent un discours «politiquement correct» qui sert les élites des grandes villes. Donald Trump a ainsi pris l’habitude de disqualifier ces médias par l’invective «You’re fake news!».
Ainsi, face à l’ennemi dans un pays corrompu, le peuple opprimé construit par Donald Trump devient le dernier rempart de la démocratie. Donald Trump érige ainsi le peuple en héros. Ce héros est le seul à même de défendre le pays contre les prétendues fraudes électorales lors des élections présidentielles. C’est pourquoi Trump les exhorte à marcher sur le Capitole et défendre coûte que coûte leur pays. Et même lorsque la situation tourne au drame, Donald Trump affiche son soutien aux émeutiers et clame que son discours était tout à fait approprié. Au final, Donald Trump a tiré profit du sentiment d’exclusion d’une partie défavorisée de la population pour en faire des catalyseurs de la révolte qui sauvera le pays.
Condamné pour ses propos par une majorité de la classe politique américaine, le 45ème président des États-Unis est le premier de l’histoire du pays à avoir fait l’objet d’une seconde procédure de destitution (impeachment) par le Sénat. Échouée elle aussi, elle laisse l’ancien président libre de se présenter à nouveau aux élections présidentielles de 2024.
Auteur : GeoffrayB