Covid-19. La crise de la communication vaccinale

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Depuis le début de la campagne de vaccination en décembre dernier, le nombre de personnes vaccinées, en France, peine à augmenter. Cet impératif de santé publique est en effet empêtré dans les multiples erreurs de communication des responsables politiques et doit faire face à la fois à un état d’esprit défavorable à la vaccination et à une forte campagne de désinformation.

La campagne de vaccination contre le Covid-19 a démarré le 27 décembre 2020 en France. Depuis, elle progresse péniblement. Au 10 février 2021, seules 2,22 millions de personnes ont été vaccinées, loin derrière de nombreux pays européens  (13,16 millions au Royaume-Uni et 3,37 en Allemagne par exemple) ayant démarré leur campagne de vaccination au même moment. L’un des principaux freins à la vaccination tient à la stratégie vaccinale inachevée, doublée d’une communication brouillonne de la part du gouvernement.

Une stratégie de vaccination initiale lacunaire

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La vision des autorités publiques pour la campagne de vaccination repose sur un principe simple. Les personnes les plus vulnérables au virus et les plus susceptibles d’en développer des formes graves doivent être vaccinées en priorité. La Haute Autorité de Santé (HAS), dans un rapport publié en novembre 2020 intitulé « Stratégie de vaccination contre le Sars-Cov-2 », recommande de mener la campagne au cours de cinq phases clairement définies dans l’objectif de réduire les formes graves et de diminuer la pression sur l’hôpital public.

Mais cette stratégie de vaccination contre le Covid-19 pâtit d’un problème majeur, elle a été conçue dès le départ sans considération pour les aspects logistiques. Selon le professeur en logistique Aurélien Rouquet (Neoma Business School), les multiples lacunes de cette stratégie (longue chaîne d’approvisionnement, pas de vaccinodrome, etc.) conduisent à un faible rythme de vaccination et à un décalage dans la vaccination en comparaison des autres pays européens tels que l’Allemagne et le Royaume-Uni.

Une stratégie brouillonne au départ entraîne inévitablement des répercussions néfastes sur la communication des responsables politiques qui peinent à être transparents sur la campagne de vaccination. Cela a pu mener à certains cafouillages. Le 13 janvier, le Premier ministre Jean Castex niait devant le Sénat les défauts de la stratégie de vaccination, déclarant que la «France n’a pas à rougir de sa stratégie globale de lutte contre cette pandémie.» Toutefois, rapidement rattrapé par la réalité des événements le 19 janvier suivant, il a concédé des retards dans la livraison des vaccins.

De même, le 21 janvier, le ministre de la Santé Olivier Véran tenait un discours contradictoire à propos des prévisions de vaccination pour 2021 en France. Devant la Commission des Lois du Sénat, il affirmait que «même avec la meilleure organisation et tous les approvisionnements qui arriveraient en temps et en heure, nous ne pourrions avoir vacciné tous les publics fragiles d’ici à l’été» tandis qu’au journal télévisé de TF1 le soir même, il déclarait que «nous sommes en mesure de vacciner (…) la totalité de la population française, d’ici à la fin août.»

Face à ces contradictions, le gouvernement a dû repenser sa stratégie vaccinale pour encourager la vaccination du plus grand nombre. La vaccination est désormais ouverte à un nombre plus important de soignants et de personnes à risque tandis que des centres de vaccination sont progressivement déployés en régions. Le gouvernement a également nommé l’énarque Laetitia Buffet (directrice adjointe du cabinet de Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’Autonomie) pour diriger les opérations logistiques de la vaccination et faire office de gage de la qualification de l’État dans cette crise.

Mais malgré le renouveau de la stratégie du gouvernement, la communication vaccinale doit conjuguer avec l’état d’esprit d’une population anti-vaccin.

Favoriser l’adhésion des Français à la vaccination

Historiquement, l’état d’esprit français a longtemps été favorable à la vaccination. Mais depuis une vingtaine d’années, il se montre plus réticent. En cause, les discours conspirationnistes, les défiances vis-à-vis des produits pharmaceutiques, les accusations de conflits d’intérêts dans l’industrie et les multiples controverses nées autour des vaccins depuis les années 2000.

La crise du Covid-19 n’a pas échappé à la règle du scepticisme qui s’est exprimé au travers d’une campagne de désinformation massive (ciblant pour partie un éventuel vaccin, bien avant que celui-ci n’arrive sur le marché) orchestrée par une vaste communauté antivax. Dans cette campagne, les réseaux sociaux ont servi de foyer de propagation de rumeurs, fakes news et contre-vérités. Avec cette campagne de désinformation, la communauté antivax cherche notamment à perturber les communications des milieux scientifiques et politiques.

Si toutes les personnes exposées à ces messages n’ont pas cru aux informations relayées par cette communauté, plusieurs ont pu être dupées, venant grossir les rangs de la frange anti-vaccin de la population.

Ainsi, pour ne pas faciliter la stratégie du gouvernement, les Français affichent depuis les débuts de la campagne de vaccination une grande réticence à la vaccination contre le Covid-19. En effet, d’après un sondage Ipsos portant sur les intentions de vaccination réalisé en décembre 2020, seuls 40% des sondés affirment être favorables à une vaccination. La principale raison avancée dans l’étude concerne les risques d’effets secondaires.

Pour répondre à l’objectif de santé publique, le gouvernement et les responsables politiques doivent donc trouver un moyen de vacciner la population coûte que coûte dans un état d’esprit profondément anti vaccin et face au manque de recul sur les vaccins contre le Covid-19. Premier stratagème, ils ont décidé de recourir aux mécanismes issus de la psychologie sociale mis en lumière par le sociologue du XIXème siècle Gabriel Tarde et son successeur Gustave Le Bon (auteur dePsychologie des foules) et tenté de s’afficher en leaders d’opinion. Leur solution passe ainsi par la médiatisation de leur propre vaccination pour inciter le public à la vaccination en espérant qu’il suive leur comportement. Mais tous les responsables politiques n’ont pas la même légitimité à se positionner de la sorte.

Alors que le gouvernement a entaché sa crédibilité durant la crise du Covid-19, la communication de la campagne de vaccination doit changer de porte étendard. La communication sur la campagne de vaccination passe dorénavant par les élus locaux. Dans un manifeste, 200 maires de France s’engagent à se faire vacciner devant les caméras pour montrer la marche à suivre car d’après l’élu de Poissy Karl Olive, «les Français ont confiance en leur maire», donc «notre exemple et notre incitation peuvent convaincre demain des administrés aujourd’hui fébriles.»

Face aux incertitudes des Français, le ministre de la Santé Olivier Véran poursuit sa stratégie et prend les devants en devenant le premier ministre du gouvernement Castex à mettre en scène sa propre vaccination.

Auteur : GeoffrayB

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